À qui appartient ma ville ?

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Qui façonne le paysage urbain qui nous entoure ? Le 15 octobre, le documentariste Martin Frigon a montré un visage méconnu de Montréal en présentant son film, Main basse sur la ville. Cet événement, organisé par le Comité d’action et de défense des droits, a réuni une vingtaine de citoyens qui ont pu échanger avec le réalisateur, mais aussi Anne Latendresse, professeure à l’UQAM, qui s’intéresse au développement urbain.

Le film est court, mais percutant. C’aurait pu être un long métrage tellement le sujet est d’actualité. Le développement de Montréal au cours des années 1960 et 1970. L’automobile qui trône en reine au royaume du béton et de l’asphalte. Des quartiers que l’on démolit pour faire place aux gratte-ciel et aux autoroutes. Des citoyens qui sont privés de leurs droits et qui doivent subir les choix imposés par les promoteurs immobiliers.

Après la projection, Martin Frigon a expliqué comment lui était venue l’idée de faire ce film. « J’ai lu le livre Les vrais propriétaires de Montréal (City for Sale) d’Henri Aubin, dit-il. Une brique de 400 pages qui se lit comme un roman policier. Dans les années 1970, ce journaliste travaille pour la Montreal Gazette. Il enquête sur le développement de Montréal et il veut savoir qui sont les acteurs qui façonnent la ville. Ce livre m’a permis de comprendre l’importance des capitaux européens dans l’économie québécoise, plus particulièrement celle de Montréal. J’ai trouvé un grand plaisir à explorer la face cachée du développement urbain, car, dans le fond, c’est l’histoire du capitalisme à travers le prisme de l’immobilier que nous découvrons. Nous marchons dans la ville et nous ne connaissons pas ses artisans. »

Le documentaire nous fait découvrir que dans les années 1960 et 1970, ce sont les Européens qui dictent les orientations du développement. Le visage de Montréal prend alors forme avec des investissements italiens, anglais, français et belges. Plusieurs sociétés et entreprises ont des liens avec l’industrie pétrolière ou automobile ; certaines sont propriétaires de compagnies de construction de routes. Ces gens érigent le centre-ville en tirant profit de l’étalement urbain.

Le réalisateur est conscient que Main basse sur la ville n’est pas un film qui propose des solutions au problème de l’étalement urbain. Cependant, les échanges entre les participants ont mis en lumière la résistance qui peut s’organiser contre les grands projets immobiliers sans vision. Anne Latendresse a donné l’exemple de luttes citoyennes dont celle du quartier Milton-Parc. « En 1968, un puissant promoteur immobilier, a-t-elle rappelé, a acheté l’une après l’autre des maisons patrimoniales pour les démolir afin d’ériger 15 gratte-ciel. Il a réussi à réaliser la première phase du complexe La Cité. Toutefois, la résistance des citoyennes et des citoyens a réussi à stopper le développement. »

Ces citoyens se sont organisés au lieu de se faire organiser. Ils vont réussir à obtenir un prêt et à racheter les propriétés qu’ils vont transformer en l’un des plus vastes regroupements de coopératives d’habitation au Canada. Leur vision fait en sorte qu’aujourd’hui, il est impossible de poursuivre l’extension du centre-ville vers le nord.

La projection du film a alimenté la discussion et la réflexion sur des sujets qui suscitent de nombreux débats : l’aménagement et l’étalement urbain ; l’embourgeoisement et l’accès aux logements. Martin Frigon déplore que l’esprit du tout à l’automobile des années 1960 perdure. Les promoteurs décident encore et toujours du développement urbain sans vision d’aménagement où il est impossible de vivre sans la sacro-sainte bagnole. « Façonner une ville, souligne-t-il, c’est surtout et avant tout façonner un mode de vie. »

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