Soulagement des électeur(trice)s, déconfiture pour certains candidats, délire médiatique, autant de sentiments ou de phénomènes que l’on a pu observer au lendemain de cette très longue élection fédérale 2015 (78 jours).
Lancée au début d’août, durant la période estivale où les vacances ont cours, le Parti Conservateur de Stephen Harper avait misé sur le désintérêt des électeurs et la diminution rapide des moyens financiers des partis adverses. Calcul perfide s’il en est un.
De mémoire, jamais une campagne électorale n’a-t-elle instrumentalisé de façon si manichéenne certains enjeux, notamment l’économie, la sécurité, la classe moyenne ou les communautés culturelles, sans oublier les lignes de partis devenus des mantras répétés ad nauseam. Pourtant, si on en croit Influence Communication (1), les thématiques les moins abordées par les partis, ont été la pauvreté, les femmes et familles, la culture et l’éducation.
Aussi, il ne faut pas s’étonner que l’électorat se lasse vite et soit frustré; car trop souvent, les partis accordent peu d’importance aux enjeux qui le préoccupent. Ce faisant, il a tendance à laisser tomber son devoir citoyen en s’abstenant, et à perdre ainsi une occasion d’influencer le pouvoir. Encore que celui-là ne se limite pas à voter uniquement aux 4 ans.
Comme à l’accoutumée, la CDC-ASGP*, avec la collaboration de la Maison d’Aurore, a organisé une assemblée publique le 7 octobre dernier, où les candidat(e)s des différents partis avaient la possibilité de répondre aux questions de leur électorat, sur les propositions de leur plateforme électorale respective. Trois candidats ont répondu à l’appel. Hélène Laverdière (députée sortante NDP), Christine Poirier (PLC) et Cyrille Giraud du Parti Vert. Les candidats du Parti Conservateur et du Bloc québécois avaient mieux à faire. Les absents ont toujours tort, dit-on. Trois enjeux locaux avaient été retenus par des intervenants d’organismes communautaires, soient le logement social, l’itinérance et les passages à niveau de la voie ferrée du CP et quelques autres enjeux, soulevés par l’audience, tels que les frais bancaires élevés, les accords économiques, etc.
Au final, Hélène Laverdière est sortie gagnante dans Laurier/Ste-Marie avec 37,8% des suffrages, suivie du Bloc Québécois à 28,3% et du PLC à 24,4%, bien que celui-ci ait effectué un balayage « coast to coast »(2).
Bilan électoral
Pour peu que l’on s’y arrête, l’élément déterminant fut de mettre à la porte le gouvernement de Stephen Harper, après presque 10 ans de gouvernance et de saccage. La Maison d’Aurore avait déjà souligné lors d’une activité publique en 2013, « Démocratie en péril », le fait que nous assistions à la perte de droits humains, environnementaux, sociaux et économiques. Sans parler d’un déficit démocratique flagrant dans lequel ce gouvernement nous avait habitué au fil du temps.
Ce fut l’urgence en la demeure : besoin d’oxygène, dans un sursaut de survie. C’est ce qui explique le vote stratégique qui a prévalu. Triste à bien y penser, car voter « contre » plutôt que « pour » un système de valeurs, est en général, peu porteur d’espoir.
Et doit-on se réjouir pour la démocratie, d’avoir obtenu un tel balayage par le Parti libéral du Canada? Dans un passé récent, on a observé chez les Conservateurs qu’il était impossible de rejeter tout projet de loi à cause de leur majorité au Parlement.
L’inespéré et l’inattendu : Justin Trudeau?!
Signe des temps? Justin Trudeau, saura-t-il dépasser l’usage effréné de l’égoportrait (selfie)? Car gouverner un pays ne se résume pas à l’exploitation d’une image. Saura-t-il répondre aux attentes de toutes les régions du Canada ? Voudra-t-il effectuer la réforme du mode de scrutin, tel que promis, alors qu’il possède la majorité? Sinon, ce sera un scénario connu. Réformera-t-il l’assurance-emploi nécessaire pour les travailleur(euse)s, en ces temps où le travail précarisé devient la norme de plus en plus répandue? Saura-t-il défendre les intérêts de tous les Canadiens dans le cadre des accords commerciaux, dont celui du Partenariat Trans-Pacifique (PTP) qui s’est pointé en fin de campagne électorale, et dont on ne connaît pas encore tous les tenants et aboutissants? Ou encore, la finalisation de l’AECG* Canada/UE? Comment négociera-t-il avec les provinces, les paiements de transfert en matière de santé ?
Au niveau environnemental, comment assurera-t-il la limitation des gaz à effet de serre, où l’économie tient toujours le gros
bout du bâton »? Et fin novembre, on peut se demander pourquoi il n’est pas intervenu, auprès de l’Office national de l’Énergie (ONE), de juridiction fédérale, pour qu’il ne donne son aval à l’inversion et à la mise en marche de la ligne 9B d’Enbridge qui acheminera le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta, vers les raffineries de l’Est de Montréal et de Lévis?
Par ailleurs, est-ce le nouveau style de la transparence, car lors du Discours du Trône, le 4 décembre dernier, selon Guy Caron, le député NDP de Rimouski-Neigette-Témiscouata-Les Basques (3), très peu fut mentionné sur l’agriculture, la forêt et le développement économique régional.
Bref, beaucoup de questions à ce jour et bien d’autres à venir. Mais pour quiconque préoccupé par l’avenir de l’humanité, le défi sera de trouver de nouvelles réponses aux multiples enjeux du 21e siècle. Notamment, les inégalités sociales, la justice climatique, la justice fiscale. Et on n’y arrivera pas, tant que la majorité invisible ne devienne visible et instaure une vigilance et une participation citoyenne de tous les instants. Souhaitons-nous que l’année 2016 soit sur cette lancée. Bonne Année.
(1) Influence Communication est un courtier en information médias spécialisé dans la surveillance, la synthèse et l’analyse de contenus de médias imprimés et électroniques
(2) http://plateau.pamplemousse.ca/2015/10/elections-federales-bilan-dune course-a-trois/
* Ce texte n’engage que l’auteure. Francine Boucher, membre de la Maison d’Aurore