Depuis plusieurs décennies déjà, les partis d’extrême-droite se sont constitués dans presque tous les pays européens incluant les pays scandinaves sociaux-démocrates. Leur popularité ne cesse de croître et plusieurs participent au gouvernement de leur pays respectif ou font partie de coalitions gouvernementales. Ils sont donc au cœur du parlementarisme et de la démocratie. De même, des groupuscules émergent et investissent les médias sociaux.
Le Comité d’action et de défense des droits de la Maison d’Aurore a amorcé un questionnement sur cette mouvance et ses fondements et a organisé le 26 février dernier une conférence sur ce thème. Notre invité, Siegfried Mathelet est docteur en philosophie, diplômé de l’UQAM et de l’Université catholique de Louvain. Il est aussi responsable du CEFIR-Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation au CEGEP Édouard-Montpetit. Ses recherches portent sur l’islamophobie, la montée des populismes de droite et les nouveaux discours de la laïcité. Je vais tenter de résumer ses propos sur cette question très complexe qui présente des aspects philosophiques, politiques, idéologiques et affectifs.
M. Mathelet a présenté quatre conférences à l’automne 2018 que l’on peut visionner sur You Tube. Il débute dès la Révolution française de 1789, où l’abolition de la monarchie, des privilèges réservés à une élite et l’égalité pour tous les citoyens est au cœur des luttes populaires. Les idées de droite ont toujours existé au sein des démocraties. Les partis fascistes du XX siècle (Mussolini, Hitler, Franco) prônent une dictature dirigée par un chef et la constitution d’une élite tout en prétendant représenter le peuple. C’est le fascisme historique qui survit depuis 1945 en s’opposant à la décolonisation, aux droits civiques (États-Unis), aux droits des femmes et à la discrimination positive des minorités. Selon cette idéologie, l’État n’est plus au service de la race blanche, mais plutôt à celui des minorités. Des groupes activistes se sont constitués tels le Ku Kluk Klan, les Skin Heads (suprématistes néo-nazis) et les milices armées aux États-Unis. Les racines de cette idéologie d’extrême-droite plongent donc profondément dans l’histoire.
À partir de l’an 2000, des partis populistes émergent et atténuent leur extrémisme pour participer au parlementarisme tel le Front National en France. Mais l’événement majeur fut l’attaque du World Trade Center en 2001 et le choc de deux civilisations : islamique et occidentale. La stupeur et la peur s’installent et sont alimentées par la démagogie des États-Unis qui exploitent l’insécurité des citoyens. L’immigration musulmane confronte les valeurs judéo-chrétiennes. Sa visibilité dans l’espace public déroute. Tous les partis populistes de Hongrie, Pologne, France, Italie, Autriche…etc. propagent que les valeurs de l’Islam (charia, droits des femmes) sont incompatibles avec celles de la civilisation occidentale et constituent une menace imminente à la survie de celle-ci et à la sécurité de ses citoyens. Les groupes populistes rejettent l’afflux de migrants fuyant la guerre, la famine, la mort et dénoncent une invasion incontrôlée par une population de couleur. Ils ferment les frontières pour protéger la nation.
Umberto Ecco, écrivain et philosophe italien, énumère 14 critères définissant le populisme dont: l’appel au peuple, le culte de la tradition, contre l’égalité hommes-femmes, la peur de la différence, l’appel aux frustrations de la classe moyenne, la nécessité de privilégier les nationaux, l’homophobie, le mépris des faibles, la suspicion envers les contre-pouvoirs (tribunaux, médias complices des élites), le culte de l’héroïsme et le machisme.
S’y ajoutent : favoriser le groupe d’appartenance (ressortissants nationaux), rejeter une société ouverte, se méfier des élites financières et politiques, purifier le corps national.
Les valeurs de la civilisation occidentale traditionnelle sont fermement confrontées depuis quelques décennies, à la fois par le féminisme, la reconnaissance de l’homosexualité et du mariage gai, les unions libres, la laïcité, l’avortement et de l’extérieur par l’arrivée massive d’immigrants et la présence visible de l’Islam dans nos sociétés. La réaction de repli sur soi, face à ces différents séismes constitue le fondement du populisme.
Au Québec, la discussion des accommodements raisonnables dans les années 2000 a favorisé la création de groupuscules pour la défense de l’identité de la nation québécoise et la protection de la civilisation occidentale : Québec Horizon actuel, Atalante, Storm Alliance contre l’immigration, la Meute, la Fédération des Québécojs de souche. Ces groupes, par leur discours raciste, attisent les frustrations et la haine et c’est là leur objectif.